Sweat and ghosts
Antoine Carbonne
15 mars 2025 _ 12 avril 2025
Achaque fois que des agents immobiliers pénètrent dans une vieille maison, sentent-ils planer la présence humaine invisible au-dessus de leur tête? Au Japon, visiter de vieilles maisons en août fait partie d'une tradition appelée Obakeyashiki (お化け屋敷; maisons fantômes) : l'idée est de frissonner au contact d'histoires effrayantes pour ressentir une fraîcheur dans la chaleur aveuglante de l'été. Parfois, il y fait si chaud qu’on a l’impression que la seule chose qui va tomber du ciel est une pluie acide. Cette douche vinaigrée change le paysage : tout devient saturé, les couleurs s'intensifient de façon surnaturelle, les champs électromagnétiques sont perturbés. Nos yeux, sidérés, sont incapables de croire ce qu’ils perçoivent. Les larmes coulent… Ou bien est-ce de la sueur ? Sweat and Ghosts - On ne peut s'empêcher de penser ces esprits errants piégés à l'intérieur de la maison, qui deviennent claustrophobes. Ils doivent s'échapper, courir, s’enfuir. Toujours tourner en rond, tenter de libérer le corps de toute la frustration accumulée, de la routine qui nous ronge jusqu'aux os. Oh, pauvres êtres humains des temps modernes, condamnés à rester immobiles, assis, domestiqués. Un bébé crie, exprimant avec une sincérité brute l'absurdité de l'existence, incapable de mettre des mots sur ce dont il a besoin. Il faut emmener notre bébé Frankenstein prendre l’air – juste autour du pâté de maisons, juste une petite virée en voiture, quelques boucles autour. D’un mouvement lent, le véhicule dérive dans le temps, l'étire, le rend atone. Encore et encore, jusqu'à ce que nous nous endormions, donnant du repos à l'esprit épuisé. Les chemins des tableaux d’Antoine Carbonne ne mènent nulle part. Impossible de savoir si la voiture a déjà commencé à rouler ou pas, si la batterie est encore chargée, si une étincelle s’allumera lorsque nous tournerons la clé dans le contact. Le voyageur damné ne sait plus où aller, incapable de véritablement quitter sa base. La route s'étend devant nous, mais il n'y a pas de destination. Le joggeur ne s'aventure jamais trop loin, et la voiture reste dans le périmètre. Même si nous ne voyons pas beaucoup de barrières, force est de constater que personne ne quitte jamais réellement cette zone. La maison hantée nous hante, nous enchaînant à elle comme à l'épicentre de notre existence. Et puis tout d’un coup, nus, nous nous réveillons, émergeant d’une texture chaude et visqueuse : une bave de vache. Sans trop savoir comment nous avons atterri ici. Texte de Noam Alon